L'article en question est largement consacré à ma théorie de BE+ING telle qu'elle apparaissait dans ma "Grammaire Linguistique de l'Anglais" parue chez Armand Colin en 1982 . On découvrira ci-dessous l'article que j'ai écrit dans le cadre du droit de réponse, article qui est paru dans le numéro 27-30 de la revue du GERAS et que j'ai intitulé: "BE+ING RE-REVISITED" (ce titre fait écho à une communication que j'ai faite au Colloque de Linguistique de Neuchâtel en 1973 , intitulée: "BE+ING REVISITED"). 

                        B E  +  - I N G      RE  -  REVISITED

            Parmi la douzaine d’a   rticles et de communications consacrés ces derniers mois au problème de BE+ING, c’est surtout la contribution de Pierre Cotte  qui a retenu mon attention, d’abord parce que l’auteur y examine  longuement mes propres théories, et aussi parce qu’il proclame haut et fort, dès le résumé précédant l’étude, que le lecteur y trouvera « une nouvelle théorie du fonctionnement interne de BE+ING »(« Réélaboration et Structure. L’Héritage dans la Langue et en Linguistique », GERAS 1999) . Ainsi, vingt-sept ans après ma première prise de position sur le sujet , à savoir ma communication de 1973 au Colloque de Linguistique Appliquée de Neuchatel intitulée BE+ING REVISITED (publiée en 1974 dans les Actes dudit colloque sous le titre général « Linguistic Insights in Applied Linguistics » (Ed.Didier Paris et AIMAV Bruxelles), je me vois contraint de re- prendre  un sujet qui m’a pratiquement accompagné tout au long  de ma carrière universitaire , afin d’une part, de  voir dans quelle mesure la présentation que fait P.Cotte de ma théorie de BE+ING correspond  à mes écrits sur la question et, d’autre part, afin de donner mon avis sur le point de vue que propose  l’auteur du long article que je vais étudier de très près maintenant.

            Après un bref excursus sur la notion de genre et d’espèce et une allusion à Gustave Guillaume ( temps opératif et tenseur binaire), P.Cotte passe au plat de résistance, à savoir la théorie de BE+ING de Henri Adamczewski , plus exactement un état de cette théorie puisque c’est ma « Grammaire Linguistique de l’Anglais » , écrite il y a vingt ans, qui est retenue comme seule et unique pièce à conviction. Pourquoi faire l’impasse sur dix-sept années de recherche ? Mystère. P.C. n’est d’ailleurs pas le seul à prendre pour cible GLA, parue en 1982 : Claude Boisson en fait autant même si , contrairement à P. Cotte, il cite mes tout derniers travaux ( « Genèse d’une Théorie Linguistique » (TILV 1996) et « Clefs pour Babel » ( EMA 1999) dans l’article qu’il me consacre dans ANGLOPHONIA 6/1999 : « Le Concept de « Métalinguistique » dans la Linguistique Anglaise ».

Dans la présentation que P.C. fait de ma théorie il y a des choses exactes, beaucoup de points importants passés sous silence sur lesquels je reviendrai et des inexactitudes flagrantes que que vais rectifier sans tarder.

Première inexactitude : Tout au début des quatre grandes pages qu’il me consacre, P.C. écrit ceci :

« La théorie de H.Adamczewski, reprenant l’idée du temps opératif, propose du tenseur binaire  une vision allégée où priment mémoire du sens et anaphore »(p.9). Je n’ai jamais caché mon admiration pour Gustave Guillaume mais la théorie des phases n’a strictement rien à voir avec le temps opératif - notion intéressante mais comme on sait jamais vraiment élaborée -  rien à voir non plus avec le tenseur binaire qui génère les différents effets de sens des deux articles UN(E) et LE/LA. Peut-être , à la rigueur, pourrait-on voir dans le temps  opératif une préfiguration de la chronologie des opérations de mise en discours, mais Guillaume est toujours resté très vague sur ce point.

La théorie des phases est née au moment de ma thèse sur BE+ING (1976). C’est aujourdh’ui une des composantes de la théorie métaopérationnelle dont les premiers principes sont issus de mes travaux simultanés sur BE+ING et sur DO (1972-75). L’idée centrale était  que –ING et DO font partie de la métalangue naturelle de l’anglais, c’est à dire de l’ensemble des outils métalinguistiques mis en œuvre par la grammaire de l’anglais, outils dont la matérialisation en surface exhibe le fonctionnement profond de la langue, en clair la genèse de l’énoncé. -ING est un invariant formel, un indice métaopérationnel (pas une valeur centrale ou fondamentale sémantique) dont la fonction est de signaler le statut thématique du GV sur lequel il porte. DO, de son côté, représente le lien prédicationnel aux formes où il apparaît (formes emphatique, négative, interrogative etc.) . C’est certainement l’outil grammatical qui permet l’accès le plus aisé à la notion d’opération, de métaopérateur et de relation prédicative.

Je relève une deuxième inexactitude toujours à la page 9. P.C. présente mon vecteur des phases dans les termes suivants : « Pour H.A. les verbes lexicaux conjugués au présent ou au prétérit correspondent à une phase énonciative première dite « rhématique », où l’énoncé introduit et identifie un procès » (terme que je n’ai jamais employé vu son caractère ad hoc et aussi parce que je me situe au plan de la relation prédicative et non à celui des verbes conjugués).Et P .C. de poursuivre : « La périphrase s’emploie lors d’une phase anaphorique seconde, thématique, où la référence précédemment construite est reprise ». Passe pour « anaphorique » qui chez moi, il y a vingt-cinq ans, renvoyait à anaphore textuelle ET à anaphore situationnelle (c’est à dire à « situation d’énonciation »).Qu’on ne me refasse pas le coup de Rivara qui, il y a un quart de siècle, dans un article publié par « Les Langues Modernes » me faisait dire qu’une forme négative en DO NOT ne pouvait intervenir qu’une fois posée antérieurement la forme positive correspondante !

Bien sûr on trouve et dans ma thèse et dans GLA des énoncés « remarquables » où il y a reprise effective, par exemple :

             If you vote Conservative, you are voting against your union.

(où seul le verbe VOTE est répété mais où le prédicat nominalisé VOTING AGAINST YOUR UNION est mis en équivalence avec le fait de voter Conservateur).

L’anaphore peut être l’explicitation d’une question , comme dans :

            A- Is there anything the matter?

            B- Pardon ?

A-    I’m asking you if there is anything the matter.

Je reviendrai sur ce point car plus d’un collègue angliciste a cru comprendre que la clé de ma théorie de BE+ING était l’anaphorisation.

Une troisième inexactitude (toujours page 9) doit être redressée car elle dénature toute mon entreprise et se trouve même en contradiction avec ce que P.C. dit lui-même de ma théorie dans le présent article . Il s’agit d’une ligne au milieu d’un paragraphe assez dense .La voici :

            « A la suite de Gustave Guillaume, H.A. considère les formes linguistiques comme les traces d’un processus sémantique ». J’avoue ne pas comprendre car, pour rester dans le cadre de BE+ING ou DO, j’ai toujours insisté sur le caractère FORMEL des métaopérateurs en question.

La quatrième inexactitude est elle aussi déroutante pour celui qui se trouve « sous le microscope ».P.C. écrit que «  l’opération impliquée par –ING est une nominalisation. Jusque-là rien à dire. Mais P.C. écrit ceci dans sa lancée : «  « Présupposante » et « anaphorique » celle-ci reprend une proposition assertée conjuguée simplement, fait disparaître le sujet et transforme le prédicat en un syntagme nominal intégrable à une autre structure… ».

Présupposante ? Pas la construction en –ING dans l’exemple que m’emprunte P.C. : I couldn’t stand hearing the girl I loved insulted. C’est STAND qui est présupposant et qui exige la nominalisation de tout le complexe qui lui fait suite, et ce au même titre que des verbes tels que KEEP, MIND, RESENT, AVOID,RISK etc. Quant aux manipulations auxquelles procède P.C. elles préparent le terrain pour l’introduction de sa théorie de la « réévaluation »(I heard the girl I loved insulted --- hearing the girl I loved insulted---I could not stand hearing etc.).

Je ne puis qu’être d’accord avec ce que P.C. dit à un certain moment de ma conception de l’énoncé en BE+ING : énoncé binaire ( mais jamais mon censeur ne parle de la portée de  -ING !), orienté vers le sujet grammatical, ce dernier se trouvant totalement dominé par l’énonciateur et par conséquent dépouillé de toute agentivité  . Mais on ne souffle mot des conséquences syntaxiques et sémantiques des propriétés que je viens de rappeler. On ne sortira donc pas de la cécité grammaticale qui caractérise les manuels d’anglais, témoin cet énoncé cueilli dans un document officiel de l'Education Nationale et la question à laquelle il a donné lieu .

            L’énoncé en question était le suivant :

« My mother was full of schemes. She was always reading the back pages of magazines, those ads that tell you how to start your business… »

Et voici la question posée :

« What does the verbal form « she was always reading » indicate about the narrator’s feeling about her mother ? ». Sans commentaire.

P.C. a raison de dire que « la théorie (de HA) est à des lieues du discours habituel qui parle de « forme progressive », d’action « inachevée », « en cours », de procès « dynamique », « duratif » … », qu’ « Adamczewski ne cherche pas à concilier les points de vue »,qu’ »il traite de haut l’approche aspectuelle classique » mais peut-être a-t-il tort d’ajouter : « avec quelques critiques rapides » car il aligne malgré tout un certain nombre de cas qui sont autant de « snags »pour l’approche traditionnelle (l’emploi du mot CLASSIQUE n’ennoblit en rien la cause !) : pas d’équivalence avec « en train de », opposition ponctuel/duratif mise à mal ;non-pertinence de l’appel à la durée et sa réciproque…P.C.  résume assez correctement ma position lorsqu’il écrit : «  Il (HA)  conclut que BE+ING ne reflète pas la situation extralinguistque mais indique une anaphore, contextuelle ou situationnelle, et une opération sur l’énoncé ».J’ajouterai à propos de « opération sur l’énoncé » que dès 1973 je parlais de schéma prédicationnel sui generis.

La question de l’aspect :

            « Pour l’auteur, dit P.Cotte, « l’aspect est dans l’extralinguistique ». Bien sûr, le déroulement de l’action (c’est en ces termes que l’on voit généralement l’aspect ) n’est pas un concept grammatical. L’aspect a été importé dans les langues occidentales à partir de la grammaire des langues slaves et le mot « aspect » lui-même est une traduction du russe « vid ». On a vu fleurir les « aspect progressif »et « aspect continu » (continuous aspect) dans les grammaires de l’anglais, « aspect sécant » ou « aspect duratif » en grammaire française. Actuellement le mot « aspect » est ambigu au n-ième degré même chez ceux qui en font usage. Pendant ce temps-là les slavisants revisent leur copie car la dichotomie aspect perfectif/aspect imperfectif fait eau de toutes parts. Dès 1981 j’ai alerté les anglicistes sur le caractère peu fiable de la notion d’aspect : cf. ma communication au Congrès de la SAES de Lyon intitulée : « L’aspect en anglais, en français et dans les langues slaves ». Les plus branchés pourront lire ma communication au colloque franco-polonais de Lille  dans « Les Contacts linguistiques Franco-Polonais » (Ed. des Presses Universitaires de Lille,1995) : La Problématique de l’Aspect en Français et en Polonais : une Nouvelle Approche, la Théorie des Phases » (pp.39-63). J’ai également consacré plusieurs pages à cette question dans mes « Clefs pour Babel ». Quoi qu’il en soit, l’aspect est hors jeu dès que l’on parle de prédication, d’opérations métalinguistiques, de double clavier, de la portée de –ING etc.. Il s’agit d’une vue atomistique de la phrase linéaire qui tue dans l’œuf toute tentative sérieuse de rendre compte des opérations en amont de l’énoncé de surface .Dans ces conditions je ne puis qu’être en désaccord avec P.Cotte qui, après une dizaine de lignes fort peu convaincantes, écrit : « Rien n’empêche donc BE+ING d’être aspectuel malgré tout » (Cest moi qui souligne). Paul Larreya partage l’entêtement de P.C. dans un article publié par la revue ANGLOPHONIA (6, 1999) : « BE + ING est-il un marqueur d’aspect ? ».

P.Cotte , qui  souhaite une théorie « qui explique aussi les effets aspectuels », propose des exemples français qui me fournissent l’occasion d’une analyse claire et nette. Voici ces énoncés :

a)      En 1860, elle régnait depuis dix ans.

b)      Elle régna pendant vingt ans.

Les gloses avancées  sont les suivantes : en a) le règne paraît extensible alors qu’en b) « sa borne finale semble le contracter (le=le règne) même si la durée est supérieure ». On devine derrière tout cela la notion de « procès dilaté » qui a fleuri dans certains écrits il n’y a pas si longtemps.

Mon analyse est conforme à tout ce que j’ai pu écrire sur l’opposition passé simple/imparfait,  en particulier dans mon « Français Déchiffré » (1991) :

            Dans a) le prédicat n’est pas « régnait » mais le verbe complexe « régner depuis dix ans ». En 1860, la relation « elle/régner depuis dix ans » s’imposait. Cette analyse est inattaquable.

            Dans b) le statut du circonstant temporel est rhématique (on aurait pu avoir 30, 40 ou 50 ans). C’est tout.

Le repère et la concomitance :

P.C. nous dit que « BE+ING fait coïncider le procès avec un repère temporel précis ». Le mot « procès » permet de cacher les déficiences de l’analyse. Dans l’énoncé que je viens de citer c’est toujours le verbe, et le verbe seul, dont il est question. Quant aux répérages, je ne les ai jamais mis en cause puisque j’ai toujours insisté sur le caractère spécifique des énoncés en BE+ING, filtrés par l’énonciateur et donc forcément liés au moment de l’énonciation. En ce qui concerne la « coïncidence du procès avec un repère temporel précis on pourrait en dire autant des énoncés au présent dit simple : « The Queen launches the Queen Elisabeth «  au moment où la photo de l’événement passe sur l’écran des Actualités ; Belmondo cuts his birthday cake , légende de la photo qui montre Belmondo en train de couper le gâteau, sans parler du fameux « And now the Queen walks to the throne » qui a fait couler beaucoup d’encre de ce côté-ci du Channel !

La glose que P.C. propose d’un autre énoncé devenu célèbre depuis GLA, à savoir :

            When a girl of twenty marries a man close to eighty it is obvious that she is marrying

 him for money .

  il essaie de justifier le repérage temporel  par la glose « she is marrying him for money THEN », n’est pas très éclairante. Il y avait des choses plus importantes à dire au sujet de cet énoncé qui a même eu l’heur de convaincre C.Boisson (op.cit.ANGLOPHONIA 6/1999).

He is having dinner :

P.C. veut bien convenir que dans cet énoncé il ne soit pas question du caractère non-achevé du procès : « son objet est d’indiquer quelle est l’activité actuelle du sujet » (je dirais quant à moi, qu’il nous renseigne sur la situation dans laquelle se trouve le sujet grammatical objet-de-discours au moment de l’énonciation). Ce que P.C. ajoute sur les théories aspectuelles montre à l’évidence que c’est un sujet qu’il ne domine pas.

Toujours l’anaphore ! :

J’avais promis de revenir sur la question de l’anaphore. Ce que P.C. écrit dans les premières lignes de la page 12 m’en donne l’occasion. P.C., après avoir rappelé (ce qui est juste) que la périphrase BE+ING n’est pas « un trait sémantico-référentiel observable en discours mais une opération abstraite mettant en forme la matière linguistique », dit que c’est cette « anaphore de construction » qui reprend pour le nominaliser un premier énoncé » qui serait pour Adamczewski «  l’identité secrète de BE+ING  » et par conséquent le dernier mot  de la recherche sur cette question.  Non, l’anaphore EST UN DES DECLENCHEURS POSSIBLES DE BE+ING  et rien de plus. L’important c’est de voir en –ING le même indice de thématicité que le -ING de V1V2-ING où c’étaient des verbes présupposants qui servaient de déclencheurs de la nominalisation..

Dans la foulée P.C. règle son compte  à ce qui allait devenir LE DOUBLE CLAVIER, à savoir l’élargissement de la portée du vecteur rhématique/thématique à tout une série de problèmes grammaticaux apparemment étrangers les uns aux autres (cf. »Genèse d’une Théorie Linguistique « (TILV 1996) et   «  Clefs pour Babel » (EMA 1999) où l’on trouvera exposé le Principe de Cyclicité). Pour P.C. » les phases sont sollicitéespour distinguer un tel nombre de marqueurs qu’elles ne peuvent constituer l’identité d’aucun ».Je laisse le lecteur qui aura lu les deux ouvrages que je viens de citer juge.

            P.C. trouve ma théorie de BE+ING « incomplète » car elle ne rend pas compte, à ses yeux, des effets de sens que sont la concomitance soulignée,  la visée sécante etc.  et il appelle de ses vœux une théorie qui serait davantage dans l’esprit guillaumien et dont le « signifié de puissance » serait de même nature sémantique que les effets. Je ne peux imposer à personne ma vision de la grammaire mais je peux demander à mes censeurs de comparer les analyses proposées par les différentes approches. Dans ma thèse (1976) j’ai très souvent profité « honteusement » d’énoncés cueillis par mes prédécesseurs (par exemple Buyssens ou Hirtle) pour mettre en valeur ma propre théorie. Une grammaire réussie n’est-elle pas une grammaire qui arrive à rendre compte d’énoncés jusque-là inintelligibles ? Que l’on se  souvienne de la panique d’Eric Buyssens devant l’énoncé « She is always knowing something she isn’t supposed to ! ».

Durée mesurée et durée non-mesurée :

Que ne fait-on pas pour « sauver » sa propre interprétation des faits ! La dichotomie avancée par P.C. a de quoi surprendre , surtout appliquée à la notion de « durée » qui a fait les dégâts que l’on sait dans les cerveaux des candidats à l’anglais dans notre pays. Pour mettre les choses au point, je propose d’examiner et d’analyser les deux énoncés ci-après, tous deux comportant des circonstants dits de durée :

1-      I have lived in prison for twelve years, seven months and five days.

2-- Mr. Smith has been living in China for twenty-five years , so he is an expert on Chinese problems.

L’énoncé (1) est la déclaration d’un Irlandais qui vient d’être libéré d’une prison anglaise et innocenté : un journal anglais l’a étalée sur toute la largeur de sa « une ».Ce qui importe ici c’est le statut rhématique du complément de durée. : c’est cela que l’ex-détenu veut faire passer et le décompte en années, mois et jours est très significatif.

Dans (2) le prédicat complexe en –ING INCLUT LE COMPLEMENT DE DUREE. Le sujet grammatical a la propriété « been living in China for twenty-five years » .Le présentateur peut créditer le conférencier de vingt-cinq années de présence en Chine.

Alors qu’on ne vienne pas dire que je «  réduis abusivement la périphrase à un mécanisme de construction » !On vient de voir dans les exemples ci-dessus les conséquences syntaxiques et sémantiques de l’invariant formel que je propose dans ma théorie, conséquences que P.C. a bien du mal à énumérer dans sa taxinomie.

L’anaphore nominalisante :

P.C. trouve ce qu’il appelle « l’intuition » (sic) de l’anaphore nominalisante » juste. Outre le fait qu’à aucun moment il ne se soit demandé la raison d’être de la nominalisation, de la portée de –ING ni du statut thématique du prédicat en –ING, il persiste à m’enfermer dans l’équation BE+ING = anaphore ! Je répète que l’anaphorisation n’est qu’un des déclencheurs possibles de la thématisation du prédicat par le truchement du métaopérateur –ING. Qui dit anaphore dit, au plan de la genèse du discours, que le choix du prédicat a déjà été fait et qu’il

s’agit par conséquent d’une saisie singulière, tout comme dans le cas de BE+ING déclenché par la situation de discours avec l’énonciateur-témoin. Par ailleurs P.C. passe très rapidement sur le participe présent et à force de parler de « verbe en –ing » on ne sait plus which is which,

surtout que le nombre d’énoncés  avec un participe présent est très réduit : Being late, he decided to catch the bus (que l’on comparera à : he apologized for being late  /   he kept being late) ,  he went out slamming the door  auquel P.C. oppose un artificiel: he is slamming the door qui aurait une valeur itérative que le premier énoncé n’a évidemment pas (mais que dira-t-il de : the boys next door kept slamming the door , où l’itération est le fait de KEPT ou de : while the union leader was slamming the door of the conference room, the strikers were preparing themselves  for a long dispute où slamming the door renvoie à une occurrence unique ? 

            A partir de la page 13, P.C. passe de la présentation critique de la théorie de H.A. à l’exposé de son hypothèse personnelle. Je dois signaler que l’article qui figure dans les Actes de la « Journée d’Etudes » de Charles V (janvier 2OOO) et intitulé : « A propos de –ING et de BE » est en fait, à peu de chose près, la reproduction des pages 13-26 de l’article dont je viens d’examiner les treize premières pages. Cette deuxième partie commence par une évocation des travaux de Guillaume dont il est dit qu’ils portaient sur une syntaxe originale qui n’a pas abouti. P.C. consacre ensuite quelques lignes à la dichotomie chomskienne structure profonde / structure de surface et à la génération des phrases de surface à partir « de structures profondes invisibles, par une série d’opérations rigoureusement ordonnées ». Après quoi je me vois attribuer le mérite d’avoir fait « une synthèse des démarches quand je suggère –P.Cotte dixit- qu’un énoncé en BE+ING est une phrase complexe où une subordonnée nominalisant une première proposition invisible est dominée par une seconde qui la modalise ou la lie à une autre partie du texte ». Je ne vois vraiment pas ce que P.C. a voulu dire, en tout cas je n’ai jamais défendu une thèse de ce genre, mais passons, le principal n’est plus là mais dans la présentation que l’on va nous faire.

 BE+ING vu par Pierre Cotte :

            P.C. reprend une idée d’Emmon Bach qui date de 1967(« Have and Be in English Syntax », LANGUAGE N° 43).J’ai rendu compte de cet article dans le tour d’horizon des différentes conceptions de « la forme progressive » que j’ai fait dans « BE+ING Revisited »(communication au Colloque de Linguistique de Neuchatel  de 1973 que l’on peut lire dans les actes publiés en 1974 sous le titre général : « Linguistic Insights in Applied Linguistics « ,  ed. Didier et AIMAV Bruxelles). Je déplore que P.C. n’ait pas jugé bon de présenter la proposition de Bach de façon plus complète et en la replaçant dans son contexte. La préoccupation de Bach à l’époque était surtout de découvrir des règles de formation et de transformation capables de rendre compte du fonctionnement de HAVE et BE dans la syntaxe de l’anglais. Bach se refusait à introduire ces deux  morphèmes grammaticaux directement  dans une règle de réécriture à la Chomsky, à savoir :

            AUX ----Temps (Modal) (HAVE+EN) (BE+ING)

D’après lui les phrases au present perfect et à la forme progressive ne sont pas des « kernel sentences » mais des phrases complexes obtenues par une transformation d’enchâssement. Voici la structure profonde des deux constructions en cause :

             Les phrases en BE +ING seront générées à partir du schéma suivant :

            NP   AUX  (Pred)   #    S   #

alors que  celles en HAVE +EN  seront issues d’un schéma  identique, à ceci près qu’ici l’élément PRED (predicative) sera absent :

            NP   AUX       #   S   #

Bref une phrase comme : He is eating a sandwich sera dérivée de :

            He   Present  # Pred  ( He Present eat a sandwich)

Le reste est bien connu de tous ceux qui connaissent le b a ba de la grammaire générative et transformationnelle : insertion de BE, effacement du sujet identique, substitution de –ING à Present dans la suite terminale enchâssée.

Dans « Be+ING Revisited » j’écrivais ceci : « Vue sous cet angle la forme progressive se présente comme la reprise emphatique d’une forme simple (Bach parlait d’un « intensified present », idée que l’on retrouvera, sans les paraphernalia de la GGT, chez M. Joos).

Un mot encore pour être complet : le present perfect s’obtient, dans ce type de génération, par la reprise à l’aide de HAVE d’une suite terminale au prétérit :

            He has eaten a sandwich  s’obtient à partir de

            He   HAS #    He   Past    eat   a sandwich   #

Trois remarques rapides pour en terminer avec Bach :

1)      On a sévèrement critiqué les générativistes pour avoir proposé des transformations  les plus invraisemblables à chaque fois qu’un problème difficile se présentait. On connaît le résultat : toutes les transformations sauf une (Move alpha) ont disparu du modèle.

2)      On notera que l’effacement de sujet identique est un tour de passe-passe qui …se passe de commentaire. Les notions de sujet de l’énoncé et de sujet de l’énonciation n’avaient pas encore cours !

3)       Considérer BE+ING et HAVE+EN comme des périphrases homologues, c’est aller un peu vite en besogne : -ING et –EN sont loin de relever d’une analyse commune. P.C. ne s’est pas posé la question.

J’en arrive enfin au cœur du sujet. P.C. va nous entraîner dans un tourbillon où  les maîtres-mots seront « procès » et « actualisation ». Ce dernier terme n’est pas nouveau : il a beaucoup servi dans les tentatives d’explication des énoncés en BE+ING (cf. A. Tellier par exemple). On va en user et en abuser,  alors que le point de départ de la démonstration est un dérisoire JOHN WORKS ! !

Le nœud de l’affaire est le suivant : pour P.Cotte le présent représente la coïncidence du procès avec l’instant d’énonciation. De ce fait la « conjugaison «  au présent (j’emploie la métalangue de P.C.) signifie l’actualisation du procès. Cette valeur du présent se perpétue selon l’auteur de l’article dans les nominalisations en –ING et explique certaines propriétés du participe présent ( ?) et du gérondif. Donc nous voilà face à une substitution de –ING à la désinence du présent dans la proposition enchâssée ( cf.Bach) et à une tentative visant à la justifier à partir de la valeur actualisante du présent. En devenant –ING « par condensation » la conjugaison du présent (c’est à dire -O et –s) lègue son pouvoir actualisant à –ING. P.C. nous dit expressément que la perte de la conjugaison (le passage de « John works » à « John working ») n’est qu’une occultation et que la signification de la conjugaison perdure. Le lecteur interloqué se frotte les yeux et se pose des questions : quel est le statut de la substitution qui lui est proposée ? Ce ne peut être une néo-transformation car chez Chomsky les transformations n’opéraient jamais sur des phrases « finies »(finite) mais sur des suites terminales (terminal strings) . Chez Guillaume le verbe à l’indicatif intervient tardivement dans la chronogenèse, après les formes non-finies. Les théories de l’énonciation, de leur côté, opèrent avec des relations prédicatives que l’intervention de métaopérateurs spécialisés et de marqueurs de temps va finaliser en énoncés bona fide. P.C., lui, nous dit que la nominalisation

n’annule pas mais occulte la conjugaison, qui d’après lui, resterait dans le « préconstruit ». Préconstruit ?Voilà un emploi bien singulier d’un terme que l’on croyait avoir compris. Mais passons et revenons à la notion d’actualisation. On nous apprend- mais on le savait déjà depuis GLA et dernièrement Jean-Pierre Gabilan a mis les points sur les i pour ce qui concerne les couples verbaux V1V2, que le verbe en –ING réfère à un procès « réalisé », présupposé par le verbe de la principale (« réalisé » ne tardera pas à être une source de déboires !). Deux exemples de cette construction sont proposés dont  le deuxième , hors contexte, n’est pas des meilleurs ni des plus faciles : I like driving this car. Pourquoi diable n’avoir donné des verbes présupposants incontestables que trois pages plus loin , des verbes V1 tels que  avoid, risk, mind ou contemplate qui permettent de comprendre sans grand renfort d’abstraction la notion de présupposition ?

A partir de là l’hypothèse de l’actualisation s’effondre. P.C. nous dit en effet que cette dernière peut avoir une contrepartie extralinguistique, par exemple dans l’énoncé  I can smell something burning où quelque chose brûle effectivement. Jusque-là on veut bien. Mais là où l’on reste sans voix, c’est quand l’auteur avance sans sourciller que l’actualisation peut être théorique, voire fictive ! ! Et ce n’est pas tout : cette fameuse « actualisation » (qui n’a jamais été un concept grammatical) n’est pas seulement représentée par le verbe en –ING, elle l’est également par le participe passé de parfait ou de passif ou par les infinitifs. Ici les énoncés donnés en exemples sont :  I saw him cross the street ,  he happened to be there et I rejoice to hear that… . Cette précision, nous dit P.C., signifie que « l’actualisation héritée du présent ne définit pas parfaitement la nominalisation en –ING, même si , il est vrai,la coïncidence la rend saillante ». Tout a été dit.

            Tout ceci montre  qu’on ne peut théoriser le rôle de –ING et de BE+ING qu’à l’intérieur d’une théorie de la genèse de l’énoncé anglais. Le rôle métaopérationnel de –ING aurait dû sauter aux yeux dans le cas des verbes présupposants du type KEEP, AVOID, RISK, MIND etc. Lorsque je dis que V2-ING est de statut thématique, je veux dire que lors de la mise en phrase le choix de V2 a été effectué AVANT celui de V1, que l’on dispose donc de ce V2 (ou VP2) au moment où l’on saisit V1. Le métaopérateur-ING a pour raison d’être le chiffrement de cet état de choses dans le linéaire, tout comme le DE français dans « Evitez DE fumer avant de manger », ce DE que j’ai qualifié de « clignotant gauche » au sein du microsystème à/de (cf. »Le Français Déchiffré, Clé du Langage et des Langues » (1991). Dans le cas de BE+ING la nominalisation est déclenchée par des  facteurs présupposants tels que la situation d’énonciation, l’anaphore, des adverbes de modalité comme always,  (pas l’adverbe de fréquence), ceaselessly, perpetually (he is perpetually quarrelling with his neighbours) et bien d’autres.

On voit l’impuissance théorique d’une notion floue et passe-partout telle que « actualisation ». L’origine de –ING est métaopérationnelle et non temporelle. On pourrait certes la qualifier de chronologique mais au sein d’une chronologie abstraite, celle du vecteur de phases où –ING est second par rapport à TO, comme THAT est second par rapport à THIS.

La relation du verbe au sujet :

            Le concept de relation prédicative n’apparaît qu’une seule fois dans l’article de P.C., et ce dans un énoncé curieux où il nous est dit que la périphrase BE+ING est « une seconde conjugaison de la relation prédicative ». L’auteur emploie systématiquement  une formulation guillaumienne qui est « la relation du verbe au sujet » (si la relation du verbe au sujet est explicitée par la conjugaison (John works) que dira-t-on de « John ‘does work » ?). On n’est donc pas étonné de lire que le verbe conjugué au présent ou au prétérit « détermine le sujet fortement, en lui apportant le procès actualisé ». Plus loin on apprend que le procès nominalisé « détermine » lui-aussi le sujet. C’est d’ailleurs ce qui permet à P.C. d’écrire que la forme en –ING conserve du présent de l’indicatif l’actualisation du procès et la détermination du sujet (p.18). Ici tout comme dans les gloses qui nous sont données à ce point de l’article il n’est question que du seul verbe en –ING qu’il s’agisse de « gérondif » ou d’énoncés en BE+ING. Certaines de ces gloses ne laissent pas de dérouter le lecteur : P.C. commente très librement  les énoncés proposés sans que la grammaire n’intervienne à aucun moment ! Par exemple l’énoncé suivant :

            You are forgetting your lighter

( entre parenthèses et pour la petite histoire cet exemple provient d’un dialogue figurant dans le manuel de sixième de Capelle et Girard : « It’s up to you » et a été l’un des premiers à « servir » dans mes démonstrations .A propos de cet énoncé un élève de sixième a  laissé pantois son professeur en lui posant la question suivante : « Où elle est l’action, Monsieur ? »).

reçoit « l’explication «  suivante :

« Le procès de « you’re forgetting your lighter » est un trait situationnel imprévu qui doit, aux yeux de l’énonciateur, être pris en compte ici et maintenant et devrait susciter une réponse de l’allocutaire ».

C’est à propos d’énoncés de ce genre que P.C. introduit la notion de « pertinence présente ». Nous y reviendrons mais d’ores et déjà le lecteur aura reconnu ici la « current relevance » de Twaddell et Joos.

L’énoncé que voici :

            Missing the train means waiting for an hour

reçoit, lui, le commentaire suivant :

« Si nous manquons le train, nous devrons attendre.

Hélas, non, il nous faudra ATTENDRE UNE HEURE !

TO et –ING :

            P.C. déclare qu’aucun gérondif n’est issu du prétérit et qu’on ne dit pas « I remember posted the letter » mais bien « I remember posting the letter (mais on n’a pas non plus « I remember post the letter avec POST au présent !). Pourquoi n’avoir pas analysé la belle paire « remember TO post the letter et « remember post-ING the letter »? Il aurait fallu se demander quelle différence de statut il y avait entre V1 to V2 et V1 V2-ING au lieu d’aller se perdre dans une pseudo-transformation sans aucun fondement théorique. J.P. Gabilan a fait le tour de ce problème dans une thèse remarquablement documentée (« Epistémologie des Théories Grammaticales appliquées à l’Anglais. Le cas de l’Opérateur –ING » (Ed. du Septentrion 1996).

BE :

            On ne peut qu’être d’accord avec ce qui est dit du rôle de BE dans les énoncés en BE+ING puisque c’est la reprise du schéma que l’on trouve dans ma thèse de 1976 et dans les grammaires de l’anglais que j’ai élaborées par la suite. On retrouve donc ici le fait que le prédicat en –ING est attribué au sujet grammatical ainsi que l’orientation gauche de l’énoncé. Le statut de VP-ING est pour P.C. la subordination de la phrase enchâssée (cf.Bach), subordination opérée par la nominalisation. Rien n’est dit en revanche – comme chez Bach en 1967- sur les effets de la nominalisation sur les éléments constitutifs de la proposition enchâssée et, par conséquent, sur la raison d’être profonde de la nominalisation. Ou plutôt si, pour P.C. il s’agit d’ « un repli qui est une diminution énonciative «  qui permet au procès « de devenir la partie d’un tout » -belle formulation métaphorique mais qui ne fait pas avancer le problème.

La Métalangue Naturelle :

            Je relève avec une certaine satisfaction  que le concept de langue naturelle  qui est au centre de la théorie métaopérationnelle est retenu et même défendu par l’auteur de l’article. Mais je ne puis accepter la désinvolture avec laquelle P.C. introduit le sujet : « Comme H.A.à propos d’autres faits de langue, on peut parler de métalangue naturelle ». Comment ça « à propos d’autres faits de langue » ? Mais c’est bien  BE+ING qui est à l’origine (avec DO, simultanément) de la naissance du concept de métalangue naturelle qui est devenu l’un des piliers de la linguistique métaopérationnelle (cf. « Genèse et Développement d’une Théorie Linguistique » et « Clefs pour Babel », op.cit.) !

            J’ai également plaisir à signaler une formulation heureuse : «  Sans être nécessairement recherchés pour eux-mêmes, les effets aspectuels de progressif, visée sécante intérieure etc. sont produits mécaniquement ( c’est moi qui souligne) par la forme ».Il s’agit donc bien d’effets collatéraux que la grammaire descriptive a interprétés avec les moyens de l’époque comme autant de valeurs centrales (je n’ai jamais reproché à la grammaire d’hier de n’avoir pas inventé les « Begriffe » de la linguistique d’aujourd’hui : ce que je regrette c’est la longévité abusive de points de vue dépassés .) Et puisque nous en sommes aux effets collatéraux – souvent illusions d’optique liées à une vision linéaire et ad hoc des problèmes de grammaire- je voudrais évoquer  très brièvement  l’explication avancée par les partisans d’une dichotomie tout/partie : les formes simples renverraient à la globalité tandis que les constructions en BE+ING exprimeraient la partie. En clair BE+ING aurait une fonction limitative face aux formes du présent et du prétérit « simples », plus proches de la notion dont on sait qu’elle est sans limites. Je  dirai ce que je pense de la « pertinence présente »  un peu plus loin mais pour l’instant je voudrais dire que l’opposition tout/partie me paraît reposer sur une intuition qui n’est pas dénuée d’intérêt. Seulement comme cela arrive dans d’autres domaines de la grammaire (je pense à la dichotomie proximité/distance comme explication du fonctionnement du couple infernal this/that) la « traduction » de cette intuition  n’a pas  su se dégager des schémas linéaires et sémantiques habituels. La théorie des phases, fondée sur l’opposition paradigme ouvert/paradigme fermé  , me semble être une  théorisation  réussie de ce qui, dans ce cas précis, a été appréhendé comme une opposition quantitative tout/partie.

BE+ING et THIS :

            A la dernière page de son article, P.C. déclare que « BE+ING » est proche de THIS ». Comme justification de ce rapprochement, il nous explique que « le procès préexistant à la ré

férence, est un objet du monde vu en situation ; il est montré et l’ostention peut être continuée ».André Joly avait avancé cette comparaison dans l’importante étude que Fraser et lui-même ont consacrée à la deixis (Modèles Linguistiques , 1979, tome 2, fascicule 2).Ceux qui ont suivi de près le développement de la théorie métaopérationnelle ne manqueront pas de noter que BE+ING (plus exactement –ING) renvoyant à la phase deux thématique ne peut être mis en parallèle avec THIS, déictique de Phase 1 rhématique. En fait l’opposition « plus ou moins BE+ING, tout comme l’opposition TO/-ING, a un statut comparable à celui de this/that, dans cet ordre. -ING , indice de thématicité manifestant la fermeture du paradigme (la vision singulière) ne peut être comparé qu’à THAT qui possède les mêmes propriétés. Sur ce point je renvoie à mes « Clefs pour Babel » (entre autres) et à l’essai de Drissia Chouit   (« Une Nouvelle Approche du Microsystème THIS/THAT en Anglais Contemporain »,1997 , Collection GRAMMATICA, ed.de la TILV).

 La conclusion de l’article de P.C. :

            « Beaucoup de linguistes cherchent l’invariant de BE+ING », lit-on au début de la conclusion. J’aurais aimé voir précisé le « beaucoup ». Au début des années 70 ils n’étaient pas foule et la situation n’a pratiquement pas évolué depuis, à ceci près que le nombre d’articles portant sur cette question a augmenté de façon notable depuis deux ou trois ans.

            Trois écoles de pensée étaient en lice en 1975 :

1-     Les tenants de la forme progressive (progressive ou continuous form chez les grammairiens de langue anglaise) :

Je citerai en premier la « Grammaire Descriptive de l’Anglais Contemporain » de Zandvoort qui m’a accompagné pendant mes premières années à l’Université. La première grammaire

du « quatuor » dirigé par R. Quirk : « A Grammar of Contemporary English » (Longman 1972) est restée fidèle à la tradition. Aux USA Twaddell a  conforté l’idée de « limited duration », reprise avec des nuances par M. Joos qui a eu le mérite de reprendre et d’enrichir la réflexion sur BE+ING.

Deux ouvrages entièrement consacrés à notre problème : l’essai de W.Hirtle intitulé « The Simple and Progressive Forms .An analytical Approach » (1967) qui, malgré l’apport de la théorie guillaumienne, n’a pas fait avancer la question et la thèse de E.Buyssens « Les deux Aspectifs de la Conjugaison Anglaise » (1974) qui malgré un corpus d’une très grande richesse ne comporte pas d’aperçus originaux.

2-     Le triplet d’Antoine Culioli : On en trouve l’essentiel dans l’ouvrage de Groussier et Chantefort : «  Grammaire Anglaise et Thèmes construits » (Hachette 1973). Le triplet se présente comme suit : Sujet – borne ouverte à droite – Situation. Je suis reconnaissant à A.Culioli non seulement pour tout ce qu’il a apporté à tous les anglicistes de ma génération mais d’avoir accepté la direction d’une thèse qui ne correspondait pas à ses conceptions de l’époque (1970-75).

3-     Ma thèse, soutenue en 1976 : « BE+ING dans la Grammaire de l’Anglais Contemporain » (710 pages) : Conception originale de BE+ING, invariant formel (ni sémantique, ni modal, ni textuel) et indice de thématicité à l’intérieur d’une théorie des phases qui allait devenir le double clavier quelques années plus tard.

Revenons à l’article de P.C.. On nous dit en guise de conclusion que « le meilleur candidat au titre d’invariant « semble être la pertinence présente ».Nous voilà donc revenus trente ou quarante ans en arrière , à savoir à la « current relevance » (qui a  longtemps servi sinon d’explication du moins de condition d’emploi du « present perfect »), avec son cortège d’intuitions plus ou moins contrôlées telles que « la durée limitée » de Twaddell ou  l’image de la courbe de Gauss de Joos. De toute façon avec la « pertinence présente » on a quitté le domaine de la grammaire pour se replier sur l’effet de sens , au mieux aux conditions d’emploi. A quoi bon dans ces conditions avoir convoqué tant de linguistes au banquet de la grammaire pour en arriver là ? Une conclusion de ce type laisse l’anglais in-intelligible,et partant, in-enseignable et in-apprenable, surtout si l’on fait du mot de la fin un slogan qui n’a rien à voir ni avec la linguistique ni avec la recherche grammaticale (« Longtemps on a aimé exclure, je propose d’intégrer » écrit Pierre Cotte) et que l’on ne s’attendrait pas à trouver dans un article qui se veut scientifique.

      BE+ING a donné lieu dernièrement à toute une série d’articles  à l’occasion de l’inscription de ce problème au programme de l’agrégation d’anglais (option linguistique). Outre deux articles dans la revue ANGLOPHONIA (6,1999) :

      Paul Larreya : « BE+ING est-il un marqueur d’aspect ? »

      Claude Boisson : « Le Concept de « Métalinguistique » dans la Linguistique Anglaise » ( cet article aborde plusieurs problèmes de grammaire anglaise dont celui de BE+ING ).

on dispose des actes des Journées Charles V où sont reproduites toutes les communications qui ont porté sur « l’aspect BE+ING »  en janvier 2000. A quoi il faut ajouter les communications de W.Rodgé, de  Smith, de R.Langacker et de votre serviteur au Colloque de Linguistique Anglaise de Toulouse (7-9juillet 2000).

      Cette fascination par un problème qui était considéré comme définitivement classé il y a trente ans, tient à mon avis à trois choses :

1-     L’importance de ce point dans la grammaire de l’anglais :

Dans mon premier écrit sur BE+ING (1973) je crois avoir vu juste en qualifiant cette question « d’épine dorsale de la grammaire anglaise ». Ce qu’il faut regretter dans la plupart des travaux cités plus haut, c’est leur caractère autarcique, d’une part (la grammaire contrastive n’est pas encore entrée dans les mœurs)et, d’autre part, l’enfermement des auteurs dans ce problème comme s’il s’agissait d’un phénomène unique, sans aucun lien avec le reste de la grammaire anglaise.

2-     L’effet « trigger » de ma thèse : en prenant le contrepied des thèses traditionnelles sur ce sujet, j’ai ouvert la voie à des vocations exploratrices et à des ambitions .

3-     S’attaquer à un problème majeur tel que BE+ING, à une forme progressive consacrée par des générations de grammairiens, donne l’impression d’opérer dans « la cour des grands ».

La recherche est un domaine ouvert mais la recherche de l’originalité à tout prix  peut se révéler  dangereuse et pas forcément bénéfique pour  la discipline  dans laquelle on travaille. 

Henri Adamczewski                     

Professeur Emérite à l’Université de la Sorbonne Nouvelle 

 

·                    1b. Pierre Cotte : " A propos de –ING et de BE " (Journées Charles V sur les propositions relatives et l’aspect be+ing – Actes publiés par les Editions CYCNOS, Vol.17, N0 spécial 2OOO). Il s'agit en fait de l'article cité en (2) ci-dessus mais amputé de sa première partie, qui était quasi entièrement consacrée à ma théorie de BE+ING. 

La communication de Pierre Cotte à la Journée d'Etude sur BE+ING qui s'est tenue à Charles V en janvier 2000 :"A propos de -ING et de BE" est en fait une version tronquée de l'article cité plus haut et de ce fait ne donne pas lieu à un commentaire particulier.