MISE  A  JOUR (JUIN  2004)

 

2002 : THE SECRET ARCHITECTURE OF ENGLISH GRAMMAR(90 pages)

         Editions Marc Adamczewski (EMA) Précy-sur-Oise pour les "Amis du CRELINGUA". 

            Essai en langue anglaise destiné aux linguistes non-francophones et aussi au public  cultivé en général où j'expose de la façon la plus claire possible, sans jargon inutile, les  lignes de force de ma grammaire explicative de l'anglais , une grammaire où l'anglais , réputé langue idiomatique (c'est à dire imprévisible et erratique), se révèle être  une langue remarquablement structurée, donc enfin intelligible et en conséquence apprenable. Parmi les acquis de cette nouvelle grammaire, on notera en particulier la mise au jour d'un DOUBLE CLAVIER qui organise les différents chapitres traditionnels des grammaires descriptives en un tout cohérent.

 Voici la Table des Matières de l'ouvrage:

  

            Couverture                                                       4ème de Couverture

 INTRODUCTION de l'ouvrage:

 

2003 : UP REVISITED : AUTOPSIE D'UNE PARTICULE.

            DU NOUVEAU SUR LES PHRASAL VERBS.(84 pages).

            Editions Marc Adamczewski (EMA) Précy-sur-Oise pour les "Amis du CRELINGUA".

 

            Essai en français où, après avoir examiné et remis en question les travaux sur les "phrasal verbs" (en particulier la thèse d'inspiration guillaumienne de Nigel Quayle sur UP) je propose une analyse originale de UP particule (indépendemment de UP adverbe, l'opposé de DOWN) dans l'esprit de la grammaire métaopérationnelle.

            Table des Matières :

 

 

            Couverture                                                      4ème de Couverture

 

INTRODUCTION de l'ouvrage :

 

 

 

 2004 :  22 mai 2004   Journée d'Etude des "Amis du CRELINGUA" dans les locaux de la Librairie Internationale "Nouveau Quartier Latin" (NQL) à Paris.

1-     Conférence d'Anne-Marie Santin-Guettier, professeur à l'Université du MANS:

             Quelques Réflexions sur les Déterminations des Parties du Corps en Anglais.

 2-     Conférence de Jean-Pierre Gabilan, Maître de Conférences à l'Université de CHAMBERY

Trésorier de l'Association.

            L'Enseignement de l'Anglais : The State of the Art.

 3-     Remise Solennelle  d'un ouvrage intitulé :

HOMMAGE A HENRI ADAMCZEWSKI

A l'Occasion de son Soixante-Quinzième Anniversaire

 par Anne- Marie Santin-Guettier  et Jean-Pierre Gabilan (eds.)

(Editions EMA Précy-sur-Oise, 144 pages).

 

L'ouvrage se compose d'un Avant-Propos d'Anne-Marie Santin-Guettier et  de douze articles dont voici le détail :

-Jean-Michel BENAYOUN: Enumération et réécriture d'une Notion Collective.

 -Gérard DELECHELLE : -ING Revisited : Quelques Remarques sur une Forme Complexe.

 -Catherine DELESSE : "Le Secret de la Licorne" :Quelques Aspects des Traductions Anglaise et Russe.

 -Claude DELMAS : Remarques autour de "Thing".

 -Catherine FRANTZ : La Pédagogie de l'Anglais aux Adultes dans l'Optique d'une Grammaire Linguistique.

 -Jean-Pierre GABILAN : Would You Like Any Coffee ?

 -Geneviève GIRARD : L'Expression de la Causation : Faire, Make, Lassen, Fare.

 -Patrick GETTLIFFE : Exemples et Contre-Exemples.

 -Annie LANCRI : Les Adjectifs en Vieil-Anglais.

 -Sophie ROSENBERGER : L'Enseignement des Langues Vivantes à l'Ecole Elémentaire en France, de l'Origine à nos Jours: un Débat Politique et Linguistique qui Piétine.

 -Anne-Marie SANTIN-GUETTIER : Quelques Réflexions sur les Déterminations des Parties du Corps en Anglais.

 -Fabienne TOUPIN : DO vs. BE+ING from a Metaoperational Perspective.

  

Henri Adamczewski , Président des "Amis du CRELINGUA : Remerciements et Conférence:

 

 Le CRELINGUA : Retour sur le Passé et Perspectives d'Avenir 

 

Je suis très touché. Je remercie  les maîtres-d'œuvre de ce bel ouvrage, les douze rédacteurs des articles, et vous tous présents aujourd'hui dans cette belle salle que nous réserve régulièrement Sophie ROSENBERGER, secrétaire de l'Association, à la Librairie NQL. Je m'en voudrais d'oublier  Marc Adamczewski, éditeur attitré des "Amis du Crelingua" dont c'est la cinquième publication à notre intention , après  les "CLEFS POUR BABEL", "Le Present Perfect", "The Secret Architecture of English Grammar " et "UP Revisited, Autopsie d'une Particule".

            Le CRELINGUA (Centre de Recherches de Linguistique Anglaise) a été je crois le premier Centre de Recherches né à l'Institut du Monde Anglophone de PARIS III, tout au début des années soixante-dix, sous le nom de GREPA(Groupe de Recherches en Pédagogie de l'Anglais). Quant aux "AMIS DU CRELINGUA" , association selon la loi de 19O1 qui est en fait une CRELINGUA élargie, sa création remonte à 1988, seize ans déjà.

 Notre Association  est une cellule vivante: elle réunit  une centaine de membres qu'anime un certain état d'esprit, que rassemble et motive une certaine façon d'aborder la langue anglaise, les langues et le langage. Nous sommes une famille de chercheurs dans le sens le plus large de ce terme, avides de comprendre le fonctionnement de la langue que nous enseignons , pour mieux l'enseigner bien sûr , sans parler du plaisir esthétique que nous donne une compréhension  de ses rouages profonds, de sa géométrie cachée que la grammaire descriptive n'a même pas effleurée. Nous proclamons bien haut que la recherche en linguistique anglaise n'est pas du domaine de l'art pour l'art, que la recherche théorique doit trouver son application dans le geste didactique du professeur d'anglais , à quelque niveau qu'il intervienne, dans l'enseignement élémentaire aussi bien que dans les universités.

            Permettez-moi de rappeler ici quelques jalons de mon itinéraire. A vingt ans j'étais jeune professeur (maître auxiliaire) au Collège Technique de Boulogne-sur-Mer . Je m'efforçais de donner à mes élèves une compétence réelle de la langue de leurs voisins : cette ambition me fit jeter par dessus bord les manuels désuets que je remplaçai par les leçons d'"English by Radio" de la BBC qui étaient remarquables d'authenticité et admirablement  programmées pour les différents niveaux . En tant que Group-Leader je recevais régulièrement des dizaines d'exemplaires du bulletin ICI LONDRES avec les textes des leçons et des sketches qui passionnaient mes élèves ( comme il n'y avait pas de magnétophones à l'époque , des externes revenaient au Lycée à 20h45 pour écouter la retransmission par radio des textes étudiés au préalable -du jamais vu !). Dans ce même lycée, j'eus la grande chance de rencontrer  un inspecteur général d'anglais  nourri des idées révolutionnaires de Harold Palmer autour des années 20 (cf."The Scientific Teaching and Learning of  Foreign Languages", lui-même auteur d'une série de manuels peu orthodoxes   publiés chez Didier :"Fluent English". M. Le BAUT  m'a appris dès le début des années cinquante l'importance de ce que la grammaire structurale appellerait beaucoup plus tard les patrons de phrase et les mots structuraux, sans parler du" vocabulaire de base " qui allait connaître la fortune que l'on sait . Grâce aux enseignements précieux que j'ai tirés de cette période j'étais armé pour affronter ma première expérience de laboratoire de langues : c'était à l'Ecole Navale où j'effectuais mon service militaire de sursitaire et où j'enseignais l'anglais aux futurs officiers de Navale en plus de mes fonctions d'officier interprète et chiffreur (ORIC 1954-1956). Les exercices structuraux  des méthodes de l'armée américaine  (les "drills")n'avaient pas de secrets pour moi  mais l'outil "laboratoire de langues" m'a permis d'approfondir ma réflexion sur l'apprentissage de l'anglais et des langues en général. De retour à la vie civile je me battis pour obtenir un laboratoire de langues au Lycée Technique de Boulogne -sur-mer . En 1959 j'étais à la tête d'un ensemble de douze cabines flambant neuves et d'une console-professeur dernier cri. Période héroïque de ma vie où je menais de front mes cours  (avec séances de laboratoire), des cours du soir pour adultes en anglais et en russe et… la préparation de l'agrégation d'anglais!…

            En 1962 j'étais responsable d'un magnifique laboratoire de langues à la Faculté des Lettres de LILLE et d'un vaste bureau qui faisait l'envie de tout le corps professoral. A l'entrée une belle plaque annonçait la couleur : LABORATOIRE DE LINGUISTIQUE APPLIQUEE.

En ce temps-là LINGUISTIQUE APPLIQUEE était une expression magique importée des Etats-Unis : APPLIED LINGUISTICS .Je dus très vite m'initier aux travaux théoriques, tant en phonologie qu'en syntaxe : à vrai dire je découvrais la linguistique (j'avais jusque là surtout pratiqué la linguistique historique : philologie de l'anglais, de l'allemand, du polonais et du russe sans oublier la philologie du français !) Je fus bientôt élu président de la Régionale de Lille de l'APLV (Association des Professeurs de Langues Vivantes) , ce qui me permit d'organiser des Journées D'Etudes, des Colloques etc. Pendant plusieurs années je dirigeai le Laboratoire de Langues (250 cabines) de la Chambre de Commerce de Dunkerque pour lequel j'écrivis des manuels pour plusieurs niveaux.

            Octobre 1969: me voilà Chargé d'une maîtrise de conférences à l'Institut d'Anglais de l'Université de la Sorbonne Nouvelle. J'eus carte blanche pour organiser l'enseignement de la langue aux différents niveaux : la phonologie et la grammaire obtenaient une place importante dans le cursus. L'option linguistique à l'agrégation d'anglais m'ouvrait de nouveaux horizons et les Colloques de l'AFLA inventés et dirigés par Antoine Culioli contribuaient à ma formation de linguiste            .

            Mais le début de l'aventure se situe entre 1973 et 1976: invité par Eddy Roulet et Pit Corder au Colloque International de Linguistique Appliquée de Neuchatel, j'y présentais coup sur coup BE+ING REVISITED (1973) et Esquisse d'une Théorie de DO(1974)  qui firent une forte impression. En 1973 l'Inspection Générale d'Anglais m'invitait à parler de BE+ING devant une centaine de conseillers pédagogiques réunis à Sèvres : ce fut un beau succès alors que je m'attendais au pire (je parlai après mon ami R.A.CLOSE). EN 1976 je soutenais ma thèse : "BE+ING dans la Grammaire de l'Anglais Contemporain" dans l'impressionnante salle Louis Liard de la Sorbonne. Mon directeur de recherches, le Professeur Antoine Culioli, m'avait laissé une liberté totale, ce dont je lui suis encore reconnaissant aujourd'hui.

            Au moment où je choisissais le sujet de ma recherche, mon objectif était purement DIDACTIQUE :mon expérience de professeur d'anglais  m'avait convaincu de la faiblesse des pseudo-explications que les grammaires de l'anglais  avançaient pour rendre compte da la "forme progressive" .Je voulais donc proposer une analyse originale de ce point particulier. Au fur et à mesure que mon point de vue s'affinait je me rendais compte que ce que j'allais proposer mettait en cause la conception de la grammaire anglaise tout entière et de la GRAMMAIRE tout court, d'autant plus qu'en 1974 je me risquais à remettre en question tous les travaux portant sur la raison d'être du DO anglais ("Esquisse d'une Théorie de DO", .Colloque de Neuchatel). Voilà comment est née la théorie métaopérationnelle :  les morphèmes grammaticaux ne renvoyaient pas directement au monde extralinguistique mais codaient les opérations de mise en discours dont ils étaient les traces en surface. Au fil des années la théorie des deux phases prit corps , ce qui donna en 1981-82 la "Grammaire Linguistique de l'Anglais (Armand Colin). Ce titre apparemment pléonastique se référait à une conception originale du traité de grammaire: pour la première fois  l'anglais se présentait  comme un tout cohérent, chaque chapitre préparant le suivant , toujours accompagné d'un commentaire qui montrait les liens entre les différentes parties. L'ouvrage s'ouvrait  par une étude de V1V2 et de O, TO et -ING, tout comme le manuel de Zandtwort des années 50  mais avec cette différence que cette fois il s'agissait d'introduire le lecteur dans  le secret des phases qui allaient rendre compte plus loin de DO, BE+ING, les Modaux, la détermination nominale etc. J'avais dans un premier temps l'idée de partir du métaopérateur DO, cette trace visible qe la structuration de l'énoncé que l'anglais nous offre sur un plateau. Et puis je me suis dit que commencer par O, TO et -ING aurait un impact plus fort étant donné que les grammaires existantes se contentaient toutes de proposer des listes opaques (tout comme en français on faisait la liste des verbes suivis de "à" ou de "de"). La "grammaire Linguistique de l'Anglais" se voulait systématique et explicative (le terme a par la suite été adopté par d'autres manuels).Après ce "reshuffle" de la grammaire de l'anglais, mes recherches  me portèrent sur d'autres langues, à commencer par le français, d'où est né "Le Français Déchiffré, Clé du Langage et des Langues" en 1991 (Armand Colin). J'ai creusé le concept de "métalangue naturelle" qui se révéla très fécond et qui montrait la faillite programmée de la grammaire descriptive  (des auteur tels que Adam Smith ou Laurence Sterne ont eu l'intuition de ces outils métalinguistiques!). Parmi les nombreux exemples de la cécité de l'approche traditionnelle (mais les générativistes n'ont pas été plus chanceux) je voudrais citer une thse, celle du Suédois Bäcklund sur NEARLY et ALMOST : ce chercheur a aligné des centaines d'énoncés authentiques sans jamais pouvoir rendre compte de ce qui séparait ces deux outils remarquables. Comment expliquer des paires minimales telles que :

            We are nearly there

et         We are almost there

si on ne dispose pas  d'une théorie  qui a fait ses preuves ailleurs  et si on n'a pas serré de près le concept d'invariant?

Et comment expliquer que l'énoncé suivant est incorrect ?

            Why join the army now? * The war is nearly over.

Je ne vais pas refaire ici les démonstrations  menées dans "Clefs pour Babel" et dans mon essai en anglais :"The Secret Architecture of English Grammar"(2002) . Le Principe de Cyclicité dont j'ai parlé pour la première fois dans "Caroline Grammairienne" (PSN 1995) a permis de mettre en évidence l'existence dans les grammaires de véritables séries de phénomènes grammaticaux  relevant des deux Phases, au point que j'ai bientôt été à même d'avancer le concept d'invariant interlingue (le DOUBLE CLAVIER, cf."Clés pour BABEL 2.OOO). A ce stade le "Big Game" (souvenir de KIM de R.Kipling!)  a commencé. Ici la connaissance d'un certain nombre de langues  a permis …le jackpot. La métaphore qui me paraît le mieux convenir à cette expérience est celle de la recherche manuelle des chaînes correspondant à un satellite de télévisiopn: lorsqu'on "attrape" enfin une image nette …on s'aperçoit que l'on obtient  du coup TOUTES les chaînes retransmises par le satellite en question.

Comme je l'ai écrit  à maintes reprises, l'énoncé linéaire n'est pas le message mais il contient les clés nécessaires à son déchiffrement. Ces traces d'opérations sont l'objet véritable de la linguistique des langues. Ces coutures, ces signatures sont  des postes d'observation privilégiés, les HUBLOTS du linguiste.On sait que les langues sont plus ou moins bavardes, entendez par là qu'elles sont plus ou moins  enclines à livrer leurs secrets : le DO de l'anglais, la subordonnée allemande sont d'un précieux secours dans cette passionnante recherche "archéologique" . A un certain moment j'ai forgé le concept de "métalinguisticité" des langues

Je vais maintenant illustrer mon propos  en vous proposant  quelques exemples de "hublots" qui  ont  retenu mon attention récemment et qui montrent que le Double Clavier n'est pas un rêve de linguiste :

 

ALLEMAND :

Puisqu'il a été question de NEARLY et ALMOST  plus haut arrêtons-nous sur BEINAHE et FAST. Les grammaires de l'allemand font ce que les grammaires anglaise et les dictionnaires faisaient pour" nearly" et   "almost". On nous dit que:

            Es ist beinahe Mitternacht (il est presque minuit).

et         Es ist fast Mitternacht

sont deux énoncés équivalents, tout comme tout comme étaient supposés l'être les énoncés anglais correspondants:

            It is nearly six o'clock

et         It is almost six o'clock.

Nous savons que ce n'est le cas ni en anglais ni en allemand.

Examinons une autre paire remarquable : NUR et ERST. Les grammaires allemandes qui essaient de rendre compte de la différence entre ces deux termes souvent rendus par le français" seulement" proposent parfois des explications aussi alembiquées que cocasses : c'est ainsi que la paire minimale :

            Sie hat nur zwei Kinder

et         Sie hat erst zwei Kinder

trouverait son explication dans le fait qu'avec ERST  la femme en question a deux enfants mais   pourra en avoir d'autres, ce qui ne serait pas le cas avec NUR!           

Pour nous il s'agit d'une application normale du DOUBLE CLAVIER : NUR n'est pas présupposant et est donc suivi d'un nom rhématique (choix ouvert) alors que ERST tout comme ALMOST en anglais ou FAST en allemand est présupposant (choix paradigmatique fermé). Ces deux énoncés seront employés dans des contextes totalement différents: dans le premier cas, la femme en question n'aura pas droit à la carte de famille nombreuse (à partir de TROIS enfants); dans le second cas, on aurait par exemple un énoncé du type: "Heureusement qu'elle n'a que deux enfants" (qu'est-ce que ce serait si elle en avait cinq!).

Voici deux autres exemples dont la traduction anglaise est pleine d'enseignements :

 

            Er hat nur drei Stunden geschlafen

            Er hat erst drei Stunden geschlafen

 

Anglais: He has only slept three hours

               He has only been sleeping three hours

Tout commentaire est superflu.

Je pourrais poursuivre cette promenade en grammaire allemande et parler de l'embarras des grammaires devant le trio:

            Warum? Wozu? Weshalb?

et continuer sur ma lancée en opposant DARUM et DESHALB, par exemple.

Il arrive que l'élément discriminant du Double Clavier soit l'ordre des mots. C'est ce que l'on dans:

            Er  versteht nicht  face à Ich glaube , dass er nicht versteht.

 

POLONAIS :

 

Nous  avons étudié les paires remarquables NEARLY/ALMOST et BEINAHE/FAST. On ne s'étonnera pas de trouver une paire tout aussi bien réglée en polonais : PRAWIE et NIEMAL (ou OMAL NIE):

            Juz prawie dwunasta a ty jeszcze spisz

            (déjà- presque-douze heures et tu dors encore)

            Sa malzenstwem od niemal dziesieciu lat i wciaz nie maja dzieci.

            ( sont-couple marié-depuis presque (quasiment) dix ans et toujours -n'ont pas d'enfants).

 

J'ai montré il y bien longtemps ( TREMA N°8 1982) qu'en face du couple TOO/ALSO le polonais (et le russe d'ailleurs) possédait la paire remarquable TEZ et TAKZE.

Dans une communication au Colloque franco-polonais de Linguistique qui s'est tenu à l'Université de LILLE III en 1993 j'ai avancé l'idée que les deux aspects (perfectif et imperfectif) du polonais et des langues slaves en général étaient en fait une opposition des deux phases, réglées par le Double Clavier (cf. La Problématique de l'Aspect en Français et en Polonais.Une Nouvelle Approche : la Théorie des Phases in "Les Contacts Linguistiques Franco-Polonais", Zofia Cygal-Krupa ed, Presses Universitaires de Lille, 1995).

L'opposition de phases se manifeste souvent par une alternance vocalique "i/a" comme dans :

            Rzucic              rzucac        (jeter)

            Zdradzic          zdradzac    (trahir)

            Przeprosic        przepraszac  (pardonner)

Exemple :  - Chcialem cie przeprosic.

                  Je voulais te demander pardon.

-         Nie masz mnie za co przepraszac.

Il n'y a pas de raison que tu me demandes pardon.

Et voici un énoncé qui montre un emploi de la phase 2 qui évoque une valeur  très embarrassante ( et jamais expliquée autrement que par des pirouettes!) de l'imparfait français :

            (On évoque la vie du grand pianiste et homme d'état Ignacy PADEREWSKI)

            W roku 1919, podpisywal traktat wersalski w imieniu Polski.

En 1919 , il signait le traité de Versailles au nom de la Pologne.

Le "perfectif eut été PODPISAL. L'infinitif PODPISYWAC est toujours présenté comme fréquentatif., ce qui ne marche absolument pas ici.

Parfois la distinction de phases se manifeste par le recours à deux racines différentes:

            WZIAC et BRAC  (même chose en russe).

            Problema u nas gde vzjat' a u vas kakije brat'. (énoncé emprunté à Eric Corre).

(le problème -est-chez nous-où-les prendre, tandis que chez vous-lesquels-prendre)

Le problème chez nous est de savoir où les prendre (acheter), tandis que chez vous c'est de savoir lesquels prendre: il s'agit de la pénurie de chaussures dans l'ex-URSS.

Enfin je rappellerai ici mes écrits sur le couple "a/i" en polonais et en russe (cf.mon article dans CONTRASTES N° 23/24, 1995 : "Le Couple a/i en Polonais et en Russe. Etude Multilingue(BIEN en Français et DO en Anglais"). Cet article est malheureusement  bourré de coquilles qui ne sont pas de mon fait.

 

ESPAGNOL

 

Je me limiterai à la fameuse opposition SER et ESTAR que tout le monde connaît. Je ne peux pas ne pas évoquer l'existence d'un ouvrage de plusieurs centaines de pages (SER Y ESTAR, de M. Eric Freysseliard, ed.Ophrys) qui donne des listes , hélas opaques, des emplois de ces deux verbes "être" espagnol. Avec Claude Delmas nous avancions il y a de cela plus de vingt ans qu'on était là en présence des deux phases . Les exemples proposés étaient tout simples :

            1-Eres rico               2-  estas rico!

Dans (1)  on s'adresse à quelqu'un que tout le monde sait riche  et RICO est le choix paradigmatique qui a été fait alors que dans (2) il s'agit par exemple de quelqu'un qui vient d'hériter d'une fortune : te voilà rich ! (RICO est saisi singulièrement, choix fermé à cause du contexte.

On aura le même cas de figure dans:

            Eres ciego (tu es aveugle - non-voyant)

            Que ciegos estamos in este pais! (comme nous sommes aveugles dans ce pays!) CIEGOS est thématique ici à cause du contexte avant et de l'emploi métaphorique de cet adjectif, d'où paradigme fermé.

 

 

PORTUGAIS

 

On peut très facilement toucher du doigt le jeu des phases dès les premiers pas de l'étude de cette langue . L'ordre des mots parle de lui-même. Qu'on en juge :

            Chamo-me Jose.(je m'appelle José).

            Nao me chamo Jose.(je ne m'appelle pas José).

 

            Espero-a ha uma hora. (je l'attends depuis une heure)

            Ha uma hora que a-espero (ça fait une heure que je l'attends).

 

            Vou escrever-lhe uma carta (je vais lui écrire une lettre).

            Porque nao lhe-escreves uma carta?(pourquoi ne lui écris-tu pas une lettre?).

Bien sûr le couple SER et ESTAR fonctionne de la même façon qu'en espagnol. Je terminerai par les deux énoncés suivants qui n'ont reçu jusqu'à présent que des explications que j'appellerai "anecdotiques":

            Aqui esta (on vous demande votre passeport: "voici/voilà").

            Ca esta. (on cherche votre nom sur une liste . On le trouve : voilà).

Or les choses sont très simples: AQUI est le résultat d'un choix paradigmatique, tandis que CA manifeste un choix fermé (phase thématique).

 

 

GREC ANCIEN  :

 

Les grammaires nous disent qu'il y a deux négateurs en grec: OU (OUKH devant voyelle ) et ME . A propos de ce dernier morphème on nous dit qu' il s'emploie  à l'impératif de défense (n'aie pas peur)  et dans d'autres constructions que l'on se contente d'énumérer (listes opaques!).

Or ces deux négateurs fonctionnent conformément au Double Clavier , c'est à dire que :

-OU s'emploie dans les négations assertives:

                        Ou gar suniemi a legeis (je ne comprends pas ce que  tu dis)

                        Paides oukh akouousi (les enfants n'écoutent pas).

-         ME , lui, est un négateur thématique , c'est à dire que la négation est déjà effectuée , il n'y a plus à l'asserter:

-         Telos d'anagke esti trekhein tois me boulomenois

      Finalement-nécessaire -est-courir- à ceux-ne pas voulant

( Ceux qui ne veulent pas courir sont finalement bien obligés de le faire).

On va tout normalement trouver ME et non pas OU à l'impératif négativé où la négation est préconstruite :

            Me  phobou ! (N'aies pas peur!).

 

HEBREU :

 

Tout comme en grec, il existe deux négateurs en hébreu : LO et EJNO (qui se conjugue: EJNO est la 3ème personne du singulier, masculin, EJNA est la forme féminine.). En voici la preuve ( extrait de journal) :

-         ha itonim be surja : israel LO rotsa be shalom

les journaux en Syrie: Israel ne veut pas la paix.

-         ha itonim katvu ki israel EJNA rotsa be shalom im surja ve ki rosh ha memshala  EJNO mukhan lehahzir le surja et ramat hagolan.

Les journaux écrivent qu' Israel ne veut pas de la paix avec la Syrie et que le chef du gouvernement n'est pas prêt à restituer le Golan à la Syrie.

(la transcription, simplifiée, est de ma main).

 

TURC :

 

Le turc est une langue de type   LEGO  qui met en œuvre un nombre incroyable de suffixes. C'est ainsi que "Londres est en Angleterre" se dira:

            Londra Ingiltere- DE  -DIR

Le suffixe DE est tout simplement la désinence casuelle du locatif : en Angleterre.

C'est le deuxième suffixe, à savoir -DIR qui m'intéresse . Ce suffixe se présente sous huit formes, conformément à l'harmonie vocalique qui est la règle en turc. On aura donc : -DIR, DiR (la minuscule remplace un i sans point!), -DUR, -DÜR, -TIR, -TiR, -TUR, TÜR. Les grammaires du turc sont incapables de rendre compte de ce suffixe et vont jusqu'à dire qu'il est facultatif. Or, -DIR apparaît à chaque fois qu'il y a absence d'assertion , quelle qu'en soit la raison: dans le petit énoncé ci-dessus la raison d'être de -DIR est qu'il s'agit d'une évidence (tout le monde sait que Londres est en Angleterre). Les exemples qui vont suivre seront beaucoup plus instructifs:

-         muzeye giris paralidir (il s'agit en fait de "I"sans point puisque PARA (argent) comporte la voyelle "dure" -A en finale):l' entrée du musée est payante (entry with money).Si l'entrée avait été gratuite on aurait eu :

-         muzeye para-siz-dir ( -siz =sans, s'oppose à -li: cf. anglais: homeless) Supposez maintenant que vous décidiez d'offrir des "happy hours" à vos clients  , exceptionnellement. Vous écririez sur l'affichette:

-         Içkiler parasiz- (sans le suffixe -DIR) "Boissons gratuites" (argent-sans).On voit donc que sans -DIR on est en phase rhématique , alors qu'avec -DIR on était dans le thématique.

 

Je voudrais conclure par la lecture de deux documents: le premier est un extrait d'une lettre que j'ai reçue il y a presque vingt cinq ans. Le deuxième , qui concerne le même problème que la lettre , est tiré d'un ouvrage fort intéressant de Jacques Darras (angliciste ) intitulé : "Qui parle l'Européen ?(ed. Le Cri, 2001).

            J'ai reçu beaucoup de lettres au sujet de mes écrits sur BE+ING. L'extrait que je vais citer ne vous étonnera pas. Mon correspondant aimerait se procurer un exemplaire de ma thèse, hélas très vite épuisée.Voici ce qu'il me dit:"En 73-74 je préparais   une maîtrise et faisais un mémoire sur BE+ING. Vous comprendrez mieux maintenant mon grand intérêt pour votre thèse.Mon mémoire a été très mauvais en ce sens que je n'arrivais pas à trouver la solution: manque d'expérience en recherche, de temps etc.Je réfutais comme vous, mais sans pouvoir l'expliquer les "progressif", "continu", "durée", "achèvement" etc.Mais ayant parlé anglais presque tous les jours de ma vie depuis 1956, les situations, les contextes me montraient  bien que les explications traditionnelles ne "collaient" pas.;…J'avais en face de moi des gens hostiles apparemment satisfaits des explications que je considérais comme ad hoc…Il faut dire que l'on me donnait le sentiment , en attaquant la théorie du progressif, d'attaquer l'Education Nationale."

            M. Jacques Darras  a inclus une apologie de la vieille et bonne forme progressive à la page 46 de son par ailleurs passionnant ouvrage. Le lecteur se trouve soudain confronté à  une "défense et illustration" du point de vue le plus traditionnel (il faudrait dire le plus réactionnaire!) sur cette délicate question de grammaire anglaise: on a affaire ici à ce que Hubert Reeves appelle "la résistance du paradigme", entendez par là le combat d'arrière garde de ceux qui refusent obstinément d'en "démordre", quelle que soit la pertinence des arguments que l'on puisse leur opposer. Voici le début de cette page d'anthologie:

"Comment expliquer autrement qu'une forme d'usage courant dans l'anglais moderne comme cette forme dite joliment "progressive", qui est une manière d'écho du gérondif latin soit apparue dans le courant du XVIII ème siècle précisément.Accélération du  mouvement tout à coup, mon présent se prolonge, hésite à basculer dans le futur qu'il annexe et qu'il absorbe par une sorte de désir d'annuler les frontières qui le bornaient…" etc, etc. Je vous laisse le plaisir de découvrir la suite . Vous ne serez pas déçus.

Je  me contenterai de dire en conclusion que la cause de la linguistique anglaise et de la linguistique des langues me paraît être en train de gagner du terrain, lentement mais sûrement. Qui pourrait en douter après les remarquables exposés d'Anne-Marie Santin et de Jean-Pierre Gabilan , sans parler de votre présence  ici cet après-midi qui manifeste la solidité de votre engagement.

 

Henri adamczewski, juin 2004.